Son abri, il l’avait confectionné sur la plage
loin des curieux, face à la mer.
Il avait assemblé des cartons, taillé des piquets
et regroupé des branches et tôles ondulées.
Les pêcheurs s’étaient habitués à lui
ils disaient entre eux que c’était un clandestin
qui avait déjoué les contrôles
et avait survécu à la traversée de la méditerranée .
Moi je pensais que c’était un aventurier
je l’avais croisé un jour au marché
il y déambulait toute la journée
ses yeux noirs avaient glissé.
Depuis je le pistais
Chaque jour, il allait dans le village
ramassait les fruits tombés de l’étal
et le soir s’asseyait dans son abri face à la mer.
Sa peau était très noire, encore plus que la mienne,
Il était du sud, de la brousse,
Les gens s’écartaient, quand de loin, ils l’apercevaient
ici on n’aimait pas les africains.
Moi j’enviais sa liberté
ses bains, ses vagues
la banane qu’il épluchait, le poisson qu’il cuisait
Son silence face à la mer.
Un matin, il souriait au vent
deux hommes sont descendus de la dune
des militaires en treillis vert.
J’ai vu et entendu.
J’ai vu le coup de pied dans les cartons,
les branches et les tôles jetées au loin
j’ai vu la corde qui a servi à attacher ses pieds
et les pêcheurs qui se cachaient.
J’ai entendu le coup dans le dos
le cliquetis de la serrure, des menottes
la marche sur la plage entre les volutes de sable.
Puis je n’ai plus rien vu ni entendu.
Ecrit par Béatrice Monge (tout droit de reproduction est interdit sans mon consentement. Merci)