Avant de débuter l’étude de ce texte, je rappelle aux lecteurs que ce cours est gratuit, mais j’apprécierais un juste retour de la part de tous, car je ne donne pas que des cours de français.
Je suis aussi depuis janvier 2020 écrivain. Ainsi, ce blog est également dédié à la promotion de mon roman « La vie cachée de Mina M ».
En novembre, je viens de publier un autre roman :
« Le pouvoir de la bague. »
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Commentaire de texte bac : l’aveugle de Guy de Maupassant
Dans ce cours, je propose à mes élèves de les accompagner dans l’étude d’un plan détaillé en vue de la composition d’un commentaire composé pour les épreuves du bac sur le texte « l’aveugle » de Guy de Maupassant paru en 1882.

Guy de MAUPASSANT, né en 1850 est un grand écrivain français, lié à Emile Zola et à G. Flaubert. Gustave Flaubert, né en 1821 fut le maître du jeune G. De Maupassant. En effet, G.de Maupassant suivit ses conseils, ses idées, ses méthodes d’observation et de composition. Ce fut son élève pendant plusieurs années.
Ses romans (Une vie en 1883, Bel ami en 1885, Pierre et Jean en 1888), ses contes et ses nouvelles (Boule de suif en 1880, les contes de la bécasse en 1883, Le Horla en 1886) composés entre réalisme et fantastique, mettent en scène un certain pessimisme. Le style, la description, la conception et la pénétration s’échappent de sa plume féconde.
Durant les dernières années de Maupassant, se développent en lui un amour exagéré pour la solitude, un instinct de conservation maladif, une crainte constante de la mort, et une certaine paranoïa, dus à une probable prédisposition familiale, sa mère étant dépressive et son frère mort fou, mais surtout à la syphilis, contractée pendant ses jeunes années. Il est mort le à Paris.
« L’Aveugle » fut publié dans le journal « Le Gaulois » du 31 mars 1882. Cette nouvelle est une nouvelle réaliste cruelle. Elle est extraite de « Contes divers » sortis la même année.
Voici une problématique :
Comment l’intérêt du lecteur est-il suscité dans cette nouvelle ?
Dans cette nouvelle en forme de conte, G de MAUPASSANT suscite l’intérêt du lecteur dès le début en expliquant à travers les yeux d’un narrateur l’intérêt de posséder tous ses sens dont celui de la vue pour être heureux de vivre. Puis, il prend l‘exemple d’un aveugle pour étayer sa thèse. C’est le début du conte relaté dans un registre pathétique afin d’inspirer au lecteur des émotions fortes devant des situations injustes et inhumaines. Ce conte est aussi un apologue, car nous pouvons constater qu’il se dégage une morale du destin tragique de cet aveugle : plus l’homme est vulnérable, faible et incapable de se défendre, plus l’être humain (sa famille, les voisins, les paysans), la société, la nature (la neige) et même les animaux (les chiens, les chats, les corbeaux) deviennent cruels avec lui au point de souhaiter ou de favoriser sa mort. Autrement dit : La faiblesse extrême due à un handicap ou à une infirmité (la cécité) et la peur de la différence, libèrent chez les personnes mal intentionnées une attitude malveillante : méchanceté voire cruauté, avarice, sadisme, barbarie, bestialité ; Parce qu’il est aveugle, il devient un paria, un souffre-douleur, un martyr dont on veut se débarrasser.
Afin d’établir un plan très détaillé qui servira de base à un commentaire composé, nous allons étudier le texte de manière linéaire.
I – Une nouvelle qui défend une thèse : voir le ciel, le soleil et les couleurs rend heureux et l’inverse rend morose et pitoyable. Elle montre également l’émotion et l’empathie du narrateur à la fin de la nouvelle.
1) Forte implication du narrateur au début et à la fin de la nouvelle : marques de modalisation (je,..). Pensée mélancolique pour le gueux.
2) Voir : le sens de la vue important pour le bonheur : emploi répété de questions ? Emploi d’adjectifs qualificatifs de couleur aux lignes 2 et 3….nombreuses répétitions (envie) et champ lexical du bonheur.
Transition Il ne peut jouir des couleurs car il est aveugle. L’auteur nous montre explicitement ce contraste. Choix des mots antithétiques entre le premier paragraphe et le second.
II – Le conte L’aveugle, conte cruel (exemple pour étayer sa thèse)
- Description de l’aveugle : horrible infirmité, figure toute pâle, impassible, …
Figures de style : Périphrase : Seules ses paupières, qu’agitait une sorte de souffrance nerveuse, retombaient parfois sur la tache blanche de ses yeux. La cécité est représentée par la tâche blanche de ses yeux.
Comparaisons : deux grands yeux blancs comme des pains à cacheter.
- Les paysans feraient volontiers comme les poules qui tuent les infirmes d’entre elles.
2- Le malheur de l’aveugle : gradation dans la haine et la violence à son égard.
Sa souffrance – sa soumission (champs lexicaux), la moquerie de son entourage : comparé à un fainéant et à un manant, mal nourri, victime de jeux de plus en plus cruels. Comparé à une bête.
Son sort : il est victime de maltraitances physiques de la part de toute la communauté (le jeu des baffes). Il est obligé de mendier pour être nourri. On ne vient pas le chercher à la fin de la journée et on le laisse mourir de froid dans la neige (mort blanche). Enfin, il est dévoré par les corbeaux. (Pour la mort blanche, il faut relever le contraste funèbre de la noirceur des corbeaux / antithèse).
Conclusion :
Guy De Maupassant présente dans cette nouvelle l’importance du sens de la vue à travers le conte de l’aveugle. Il dénonce également avec réalisme la cruauté du monde paysan.
Texte
L’AVEUGLE Qu’est-ce donc que cette joie du premier soleil ? Pourquoi cette lumière tombée sur la terre nous emplit-elle ainsi du bonheur de vivre ? Le ciel est tout bleu, la campagne toute verte, les maisons toutes blanches ; et nos yeux ravis boivent ces couleurs vives dont ils font de l’allégresse pour nos âmes. Et il nous vient des envies de danser, des envies de courir, des envies de chanter, une légèreté heureuse de la pensée, une sorte de tendresse élargie, on voudrait embrasser le soleil.
Les aveugles sous les portes, impassibles en leur éternelle obscurité, restent calmes comme toujours au milieu de cette gaieté nouvelle, et, sans comprendre, ils apaisent à toute minute leur chien qui voudrait gambader.
Quand ils rentrent, le jour fini, au bras d’un jeune frère ou d’une petite soeur, si l’enfant dit : « Il a fait bien beau tantôt ! », l’autre répond : « Je m’en suis bien aperçu, qu’il faisait beau, Loulou ne tenait pas en place. »
J’ai connu un de ces hommes dont la vie fut un des plus cruels martyres qu’on puisse rêver.
C’était un paysan, le fils d’un fermier normand. Tant que le père et la mère vécurent, on eut à peu près soin de lui ; il ne souffrit guère que de son horrible infirmité ; mais dès que les vieux furent partis, l’existence atroce commença. Recueilli par une soeur, tout le monde dans la ferme le traitait comme un gueux qui mange le pain des autres. A chaque repas, on lui reprochait la nourriture ; on l’appelait fainéant, manant ; et bien que son beau-frère se fût emparé de sa part d’héritage, on lui donnait à regret la soupe, juste assez pour qu’il ne mourût point.
Il avait une figure toute pâle, et deux grands yeux blancs comme des pains à cacheter ; et il demeurait impassible sous l’injure, tellement enfermé en lui-même qu’on ignorait s’il la sentait. Jamais d’ailleurs il n’avait connu aucune tendresse, sa mère l’ayant toujours un peu rudoyé, ne l’aimant guère ; car aux champs les inutiles sont des nuisibles, et les paysans feraient volontiers comme les poules qui tuent les infirmes d’entre elles.
Sitôt la soupe avalée, il allait s’asseoir devant la porte en été, contre la cheminée en hiver, et il ne remuait plus jusqu’au soir. Il ne faisait pas un geste, pas un mouvement ; seules ses paupières, qu’agitait une sorte de souffrance nerveuse, retombaient parfois sur la tache blanche de ses yeux. Avait-il un esprit, une pensée, une conscience nette de sa vie ? Personne ne se le demandait.
Pendant quelques années les choses allèrent ainsi. Mais son impuissance à rien faire autant que son impassibilité finirent par exaspérer ses parents, et il devint un souffre-douleur, une sorte de bouffon-martyr, de proie donnée à la férocité native, à la gaieté sauvage des brutes qui l’entouraient.
On imagina toutes les farces cruelles que sa cécité put inspirer. Et, pour se payer de ce qu’il mangeait, on fit de ses repas des heures de plaisir pour les voisins et de supplice pour l’impotent.
Les paysans des maisons prochaines s’en venaient à ce divertissement ; on se le disait de porte en porte, et la cuisine de la ferme se trouvait pleine chaque jour. Tantôt on posait sur la table, devant son assiette où il commençait à puiser le bouillon, quelque chat ou quelque chien. La bête avec son instinct flairait l’infirmité de l’homme et, tout doucement, s’approchait, mangeait sans bruit, lapant avec délicatesse ; et quand un clapotis de langue un peu bruyant avait éveillé l’attention du pauvre diable, elle s’écartait prudemment pour éviter le coup de cuiller qu’il envoyait au hasard devant lui.
Alors c’étaient des rires, des poussées, des trépignements des spectateurs tassés le long des murs. Et lui, sans jamais dire un mot, se remettait à manger de la main droite, tandis que, de la gauche avancée, il protégeait et défendait son assiette.
Tantôt on lui faisait mâcher des bouchons, du bois, des feuilles ou même des ordures, qu’il ne pouvait distinguer.
Puis on se lassa même des plaisanteries ; et le beau-frère enrageant de le toujours nourrir, le frappa, le gifla sans cesse, riant des efforts inutiles de l’autre pour parer les coups ou les rendre. Ce fut alors un jeu nouveau : le jeu des claques. Et les valets de charrue, le goujat, les servantes, lui lançaient à tout moment leur main par la figure, ce qui imprimait à ses paupières un mouvement précipité. Il ne savait où se cacher et demeurait sans cesse les bras étendus pour éviter les approches.
Enfin, on le contraignit à mendier. On le portait sur les routes les jours de marché, et dès qu’il entendait un bruit de pas ou le roulement d’une voiture, il tendait son chapeau en balbutiant : « La charité, s’il vous plaît. »
Mais le paysan n’est pas prodigue, et, pendant des semaines entières, il ne rapportait pas un sou.
Ce fut alors contre lui une haine déchaînée, impitoyable. Et voici comment il mourut.
Un hiver, la terre était couverte de neige, et il gelait horriblement. Or son beau-frère, un matin, le conduisit fort loin sur une grande route pour lui faire demander l’aumône. Il l’y laissa tout le jour, et quand la nuit fut venue, il affirma devant ses gens qu’il ne l’avait plus retrouvé. Puis il ajouta : « Bast ! faut pas s’en occuper, quelqu’un l’aura emmené parce qu’il avait froid. Pardié ! i n’est pas perdu. I reviendra ben d’main manger la soupe. »
Le lendemain, il ne revint pas.
Après de longues heures d’attente, saisi par le froid, se sentant mourir, l’aveugle s’était mis à marcher. Ne pouvant reconnaître la route ensevelie sous cette écume de glace, il avait erré au hasard, tombant dans les fossés, se relevant, toujours muet, cherchant une maison.
Mais l’engourdissement des neiges l’avait peu à peu envahi, et ses jambes faibles ne le pouvant plus porter, il s’était assis au milieu d’une plaine. Il ne se releva point.
Les blancs flocons qui tombaient toujours l’ensevelirent. Son corps raidi disparut sous l’incessante accumulation de leur foule infinie ; et rien n’indiquait plus la place où le cadavre était couché.
Ses parents firent mine de s’enquérir et de le chercher pendant huit jours. Ils pleurèrent même.
L’hiver était rude et le dégel n’arrivait pas vite. Or, un dimanche, en allant à la messe, les fermiers remarquèrent un grand vol de corbeaux qui tournoyaient sans fin au-dessus de la plaine, puis s’abattaient comme une pluie noire en tas à la même place, repartaient et revenaient toujours.
La semaine suivante, ils étaient encore là, les oiseaux sombres. Le ciel en portait un nuage comme s’ils se fussent réunis de tous les coins de l’horizon ; et ils se laissaient tomber avec de grands cris dans la neige éclatante, qu’ils tachaient étrangement et fouillaient avec obstination.
Un gars alla voir ce qu’ils faisaient, et découvrit le corps de l’aveugle, à moitié dévoré déjà, déchiqueté. Ses yeux pâles avaient disparu, piqués par les longs becs voraces.
Et je ne puis jamais ressentir la vive gaieté des jours de soleil, sans un souvenir triste et une pensée mélancolique vers le gueux, si déshérité dans la vie que son horrible mort fut un soulagement pour tous ceux qui l’avaient connu.